A la recherche des ayatollahs du vin : Mathieu Lapierre

Publié le : 12 octobre 20174 mins de lecture

 »Ayatollah », un élément de langage qui revient régulièrement à l’endroit de ces vignerons qui ont la particularité de ne pas faire appel aux pratiques et produits œnologiques modernes pour concevoir leur vin. En effet, ce seul mot porte en lui une bonne partie de la crispation – et peut-être des préjugés – existant à l’égard de ces vins dits naturels. Nous poursuivons notre série d’entretiens, sur ce thème précis, avec plusieurs vignerons réputés qui sont parfois catalogués de la sorte (et qui ont, par ailleurs, un statut associatif ou historique particulier). Aujourd’hui, Mathieu Lapierre : Alors, Mathieu, en quoi êtes-vous un ayatollah ?

Mathieu Lapierre, Domaine Lapierre (fils de Marcel Lapierre, emblématique du mouvement des vins naturels en général et co-fondateur de l’Association des Vins Naturels)

 »Plutôt que vins naturels, ce sont des vins de terroirs et de millésimes »

 »Le mot naturel pour le vin n’est pas adéquat, car finalement cette définition désigne la lutte entre le systématisme de l’œnologie moderne, qui traite les vignerons et les raisins sans discernement, et une vinification sur mesure. Plutôt que vins naturels, ce sont des vins de terroirs et de millésimes.

A l’opposée, quand les mêmes méthodes interventionnistes (levurage, enzymes d’extraction, thermovinification, désacidification…) sont employées sans considération de nécessité, cela diminue voire anéantit toute particularité du vin due au terroir. Personnellement, je vois en cette pratique dogmatique de la viticulture un coté ayatollesque.

Evidemment, tous les œnologues ne travaillent pas dans cet esprit, certains accompagnent vraiment le vigneron et le millésime dans leur différence, mais ils ne courent pas les rues… »

 »Ne mettre aucune barrière entre le terroir et la bouteille »

 »Le vigneron dit naturel lui, au contraire, n’utilise d’intrant que si cela est indispensable (les médicaments sont destinés uniquement aux malades) afin de ne mettre aucune barrière entre le terroir et la bouteille : 99 % du temps c’est possible, mais cela demande des compétences très poussées afin d’anticiper les éventuels écueils.

Dans le cas seul où le vin devient vinaigre par une piqûre avérée (lactique, acétique, etc.) alors qu’il reste beaucoup de sucre à fermenter, et une fois tentées toutes les solutions soft (soutirage, froid, utilisation de lies…) ; si elles n’ont pas été efficaces, alors le soufre peut être le dernier rempart (et parfois il ne fonctionne pas non plus). Tous les autres problèmes éventuels peuvent vraisemblablement se solutionner avec le temps, à condition de le prendre, et l’élevage adéquat.

Il s’agit bien d’un travail sur mesure où le systématisme est le premier des ennemis dont il faut se méfier. Personnellement, je n’impose pas ma manière de travailler, à quiconque. Elle me plait et je la revendique sans  »religion », jamais. »

 

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Propos recueillis par Antonin Iommi-Amunategui

Photo : Libération – Balade en terres viticoles

©Vindicateur, 05/2012

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