Antoine Gerbelle, l’homme qui twittait à l’oreille des chevaux

Publié le : 13 octobre 20175 mins de lecture

Antoine Gerbelle est journaliste à la Revue du Vin de France (RVF) depuis un paquet d’années. Il va, il goûte, il écrit sur le vin, sur le monde du vin, dans la RVF, dans les guides de la RVF. Une référence dans le milieu. Il est dingue de canassons, aussi. Mais ce qui nous occupe ici, en fait, c’est qu’il tweete. C’est même le journaliste du pif le plus actif sur Twitter. Entretien.

VindicateurLes journalistes et critiques de vin se mettent doucement à Twitter, on a vu Burtschy, Poels, Quarin… En tant que l’un des plus actifs, quels intérêts spécifiques trouves-tu à cet outil, et notamment pour ce qui est du vin ?

Antoine Gerbelle : J’ai été un des premiers journalistes du vin à diriger un site d’information sur le web en 1998 (Magnumvinum). Avec Twitter, je retrouve les chemins de traverse et la spontanéité de l’époque, une re-création autour du vin. Sur cette voie à double sens j’essaie d’apporter un regard pas trop sérieux sur les coulisses de mon métier, de critique, mes réactions à chaud. En sens inverse, je scrute les coups de cœur, les coups de gueules et les infos singulières. Une seule photo et un mot suffisent à faire saliver.

 

VIl reste qu’il y a pas mal de grands absents. Pourquoi les journalistes du vin tardent-ils tant (contrairement, par exemple, à leurs collègues généralistes) à se mettre à Twitter ? Ce serait, quoi, une histoire de génération ? Ou parce que c’est mal fréquenté, avec tous ces blogueurs ?!

AG : Générationnel ? Peut-être, le milieu n’est pas tout jeune ! Mal fréquenté par les blogueurs ? Non, j’imagine surtout qu’ils tardent à tweeter par manque d’intérêt (dans tous les sens du terme : ils ne sont pas payés pour !) et souvent de temps.

 

VQuelle image du vin renvoie Twitter (pour ce qui est de la partie francophone) de ton point de vue ?

AG : Le terrain est très occupé par les blogueurs qui twittent de l’humeur, quelques compiles de dégustations, beaucoup de narcissisme, de la com déguisée, de services rendus aux attachés de presse… L’amateur comme le pro qui balance en 140 signes sa flamme ou son seau d’eau sur un vin qu’il a adoré ou détesté m’amuse davantage.

 

VEst-ce qu’on peut correctement rendre compte de la dégustation d’un vin en un seul tweet ?

AG : Comme on se fait une excellente idée d’un vin en une seule gorgée ! Le tweet c’est une gorgée de mots que l’on recrache dans le bon ordre, si possible.

 

VTu penses qu’on peut donner soif en un tweet ?

AG : J’espère ! Le tweet est un exercice de brièveté pas de sobriété.

 

VTwitter semble de plus en plus difficilement contournable pour les commentateurs, qu’ils soient journalistes ou blogueurs, mais recommandes-tu cet outil aux vignerons ?

AG : Je recommande surtout aux vignerons de faire du bon vin ! Ils peuvent vivre hors des réseaux sociaux et c’est heureux. Mais, de la taille de la vigne à leur dernier voyage à Hong-Kong, ils vivent des centaines d’instants à partager avec leurs clients. Please, le moins commercial possible, un peu de distance et de sincérité.

 

VT’est-il arrivé de tweeter quelque chose et de le regretter ensuite ?

AG : Non, j’assume la spontanéité parfois casse-gueule de Twitter. 140 signes ne fait pas un article ; c’est de la réactivité, une goutte d’info, une poussée réactive et si possible récréative.

 

VY a-t-il deux-trois comptes Twitter que tu recommandes vivement ?

AG : Je follow surtout des confrères, pas forcément du milieu du vin. La chasse au bon compte est chronophage. J’adore me perdre dans les dédales des retweets pour dénicher des inconnus pertinents. J’aime les comptes pro qui ne se prennent pas trop au sérieux et qui se lâchent comme @sandlablonde ou des amateurs qui ont du palais et de la plume comme @VinPlaisirFR ou encore @CapAlexandre. Mais n’importe quel bon compte resté inactif dix jours s’oublie. La loi de ce média.

 

VQui aimerais-tu voir tweeter dans le milieu ?

AG : Plus de grands vignerons et connaître leurs points de vue d’amateurs de vin sur le vin des autres. Aussi davantage d’amateurs : il faut qu’ils plongent, s’amusent avec leurs mots pour exprimer leur goûts et dégoûts du vin. Je suis a 100% en phase avec l’oenologue Jacques Puisais qui ne cesse de répéter :  »Si vous ne mettez pas des mots [parole ou écriture] sur le vin que vous buvez ce vin n’existe pas ! »

 

Le compte Twitter d’Antoine Gerbelle : @AGerbelle

Propos recueillis par Antonin Iommi-Amunategui

Photo : Antoine Gerbelle et son cheval

©Vindicateur, 01/2013

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