A la recherche des ayatollahs du vin : Thierry Puzelat

Publié le : 13 octobre 20174 mins de lecture

 »Ayatollah », un élément de langage qui revient régulièrement dans le mondovino à l’endroit de ces vignerons qui ont la particularité de ne pas faire appel aux pratiques et produits œnologiques modernes pour concevoir leurs vins. En effet, ce seul mot porte en lui une bonne partie de la crispation – et peut-être des préjugés – existant à l’égard des vins dits  »naturels ». Nous débutons aujourd’hui une série d’entretiens, sur ce thème précis, avec plusieurs vignerons réputés qui sont parfois catalogués de la sorte (et qui ont, par ailleurs, un statut associatif ou historique particulier). Pour commencer, Thierry Puzelat, vice-président de l’Association des Vins Naturels : Alors, Thierry, en quoi êtes-vous un ayatollah ?

Thierry Puzelat, Clos du Tue-Bœuf, vice-président de l’Association des Vins Naturels.

 

 »Indépendants vis-à-vis de la presse et du marché »

 »Je ne me sens absolument pas comme un ayatollah ! Je pense que ce qui est perçu comme tel par quelques membres du  »mondovino », c’est la singularité des vignerons et de leurs vins. Historiquement, les vignerons qui ont choisi cette voie sont des gens indépendants vis-à-vis de la presse et du marché du vin. Le choix est bien plus souvent de faire le vin que l’on aime plutôt que de cibler une filière. En ce sens, cette production est totalement marginale.

De plus, vis-à-vis des consommateurs, on ne peut pas prétendre faire un vin singulier et plaire à tout le monde. Majoritairement, les producteurs de vin naturel assument cet état de fait et préfèrent ne pas vendre que de trouver un client par défaut.

Dans notre monde aseptisé, cette attitude peut être perçue comme extrémiste, mais elle ne l’est pas. Il s’agit seulement d’honnêteté envers soi-même et donc envers les autres.

Une part de la presse décrie notre production et notre attitude ayatollesque ! Je pense que leur problème est que nous n’avons pas besoin d’eux. »

 

 »Les dégustations d’un jour ne représentent rien »

 »Pour ma part, je ne réponds plus depuis des années aux demandes d’échantillons sauf exceptions. Les dégustations d’un jour ne représentent rien. Connaitre un vin ou un vigneron pour pouvoir en parler demande un peu plus d’investissement que de déguster des échantillons en ligne.

Malgré tout cela, deux tendances semblent se dessiner au sein des vins naturels : les partisans de la méthode et ceux du résultat. Les uns mettant en avant les atouts idéologiques quel que soit le résultat, les autres essayant de produire les meilleurs vins possibles via cette  »méthode ». »

 

 »Nous sommes tous capables de faire des ratés »

 »Je pense que la première tendance conduit à une attitude dogmatique, très fermée, qui ne fait rien avancer tant d’un point de vue de politique locale (avec nos confrères conventionnels) que vis-à-vis des consommateurs qui sont parfois confrontés à des bouteilles indignes.

Nous sommes tous capables de faire des  »ratés », mais il n’est pas nécessaire de les justifier par la méthode. Pour ma part, je combats cette attitude aussi bien au sein de l’association des vins naturels qu’en-dehors.

Enfin, je jubile quand un buveur lambda est surpris par le supplément d’âme et de goût d’un vin naturel sans rien connaitre de son mode de production. »

 

Propos recueillis par Antonin Iommi-Amunategui

Photo: Thierry Puzelat, by Wine Terroirs

©Vindicateur, 04/2012

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