« Mon nom est Nouveau… Beaujolais Nouveau »

Publié le : 12 octobre 20175 mins de lecture

Le Beaujolais Nouveau 2010 arrive ! Comme tous les ans, c’est le 3ème jeudi de novembre. Environ 60 millions de bouteilles, soit le tiers de la production totale du Beaujolais, inondent le monde… Et on entend tout, mais souvent le pire, à son sujet. Alors, réalité ou peau de banane ? Six questions, cinq clichés, à Isabelle Perraud, vigneronne à Vauxrenard dans le Beaujolais, au Domaine des Côtes de la Molière.

VindicateurLe  »Beaujolais Nouveau » : des raisins à peine vendangés, presque aussitôt mis en bouteilles, comment ça peut être alcoolisé, comment ça peut être du vin ?

 

Isabelle Perraud : Evidemment mes réponses sont assez personnelles : je parle de ce que je connais, de ce qu’on fait… Les raisins du Beaujolais Nouveau sont vendangés à pleine maturité, selon les millésimes, plus ou moins tôt… Comme les autres vins du Beaujolais, le raisin entier est encuvé et là va commencer la fermentation alcoolique, comme sur tous les vins. Elle débute en général assez vite : dans les 12 heures… C’est à ce moment que les sucres se transforment en alcool. On n’accélère pas le processus pour élaborer du  »Nouvo », à part peut-être en jouant avec les températures.

 

Ensuite, si on a de la chance, va débuter la fermentation malolactique qui transforme l’acide malique en acide lactique. Pareil sur les  »nouvo ». Cette fermentation permet d’avoir des vins plus agréables et du coup, moins acide. Normal ! C’est souvent les  »malo » qui inquiètent les vignerons du Beaujolais : seront-elles finies à temps pour la mise en bouteilles ? Mais on a souvent la chance d’avoir, au moins, une cuvée qui finit sa malo assez tôt… Le  »nouvo » est donc un vin fini, qui va être mis en bouteilles assez tôt et qui pourra finir son élevage en bouteilles, si le cœur vous en dit !

 

 

VindicateurC’est fait avec les mauvais raisins, et on garde les beaux pour les meilleures cuvées ?

 

Isabelle Perraud : Le Beaujolais Nouveau n’est pas fait avec les mauvais raisins, d’ailleurs, nous n’avons pas de mauvais raisins ! Souvent, on sélectionne des vignes plutôt jeunes pour avoir plus de fruit et de vivacité. On peut faire du  »nouvo » avec des vieilles vignes aussi !

 

 

VindicateurBanane, kiwi… C’est quoi ces aromes bizarres ? C’est artificiel tout ça, non ?

 

Isabelle Perraud : Les arômes du Beaujolais Nouveau qui ont fait sa gloire et sa perte étaient (et sont) dus à des levures aromatiques… Mais on peut avoir des jolis arômes de raisins dans le  »nouvo », juste avec du raisin !

 

 

VindicateurCa doit se boire à toute vitesse, ça ne se garde pas du tout, si ?

 

Isabelle Perraud : Vous pouvez le boire le 3ème jeudi de Novembre (pas avant !), mais aussi le lendemain, le surlendemain et même un an après ! Il n’en sera que meilleur !

 

 

VindicateurC’est jamais bon, le Beaujolais Nouveau, si ?

 

Isabelle Perraud : Comme pour tous les vins, il faut choisir son Beaujolais Nouveau avec beaucoup d’attention. Il est important de connaître le vigneron, sa façon de travailler, d’avoir confiance… Un bon Beaujolais Nouveau, c’est excellent ! Tous les Beaujolais  »nouvo » ne sont pas bons, c’est sûr, mais tous les Champagnes non plus…

 

Cela dit, j’ai un gros pincement au cœur quand j’entends ou lis des choses très négatives au sujet du  »nouvo ». C’est un manque de respect pour notre travail… Chez nous, comme chez de nombreux vignerons en Beaujolais, c’est un travail de toute une année : des petits rendements, du travail très peu mécanisé dans des vignes en coteaux, un soin très particulier et attentif à la nature, au sol et aux vins… Sûrement beaucoup plus de travail et de peine que dans certains grands crus qui ne font aujourd’hui encore aucun effort et qui se contentent de vendre des étiquettes.

 

En Beaujolais, nous avons tout à prouver chaque jour et n’avons pas droit à la moindre erreur. Nous sommes des vignerons avant tout et vous serez toujours très simplement bien reçus dans les caves chez nous, en Beaujolais ! C’est une réputation qui nous colle à la peau et que nous ne voulons perdre sous aucun prétexte.

 

 

VindicateurQuels  »nouvo » recommandez-vous ?

 

Isabelle Perraud : Je recommande les Beaujolais Nouveaux et autres crus des Domaine de Christian Ducroux à Lantignié et Michel Guignier à Vauxrenard, qui sont des vignerons bio et nature, dont j’apprécie les vins pour leur personnalité et l’engagement du vigneron, même s’ils ne communiquent pas beaucoup… Mais d’autres domaines nous surprendront, j’espère bien, dans les années à venir ! Nous suivons ça de très près !

 

 

Découvrez les vins du Domaine des Côtes de la Molière sur leur site et l’humeur de la vigneronne sur son blog.

 

 

Propos recueillis par Antonin Iommi-Amunategui

©Vindicateur, 11/2010

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