La Cosmoculture : folklorique ou énerg-éthique ?

Publié le : 13 octobre 20179 mins de lecture

Philippe Viret (ici aux côtés de son père Alain, parmi les  »dolias ») nous présente la Cosmoculture : il s’agit d’une orientation agricole fondée sur un  »équilibre énergétique ». Uniquement pratiquée sur le Domaine Viret à ce jour, et ce depuis 1989, la Cosmoculture qui revendique des origines antiques (Maya notamment) pourrait bien faire des petits : un cahier des charges est en effet en cours d’élaboration.

VindicateurLa Cosmoculture, ce n’est pas seulement du bio, pas non plus de la biodynamie, cela ne correspond pas aux vins dits  »nature » ; pouvez-vous nous en donner votre définition ?

 

Philippe Viret : La Cosmoculture repose sur un travail énergétique sur le vivant (sols, plantes, fruits, produits, environnement, hommes). Sur une terre vivante, équilibrée énergétiquement, la plante retrouve ses défenses immunitaires vis-à-vis des pathogènes, les préparations biodynamiques ou autres deviennent alors juste un support à la vie et non une thérapie. L’eau restant l’élément de base de la vie, c’est un élément important de la Cosmoculture, tant dans les applications que dans la recherche de la préservation de cet élément (sans eau, plus de forme de vie cellulaire).

 

Cette orientation agricole où la sensibilité de l’homme est très importante aboutit à l’élaboration de produits certes naturels mais surtout au potentiel nutritionnel et énergétique retrouvé, dont l’homme peut profiter pour sa santé. Le vin retrouve alors son origine : un produit issu de la nature, vivant et sain pour l’homme, boisson alimentaire et spirituelle.

 

 

VindicateurVous revendiquez votre attachement à une forme de  »spiritualité » reliée au vin, vous expliquez qu’il y a là quelque chose de  »sacré », que la Cosmoculture permet à la fois de respecter et d’exprimer ; comment définissez-vous ce caractère  »sacré » ?

 

Philippe Viret : Le sacré est souvent relié à la religion, pour nous le sacré c’est la nature et ce qu’elle nous donne au quotidien. Si on parle de sacré c’est une forme de respect envers les éléments du vivant et le travail mené d’une façon plus profonde et plus respectueuse. On ne veut pas être comparé à des moines cisterciens mais c’est vrai que l’on peut avoir de l’admiration pour ce qu’ils ont laissé à travers les abbayes, les clos, les bornages de certains grands terroirs, et même dans la connaissance œnologique. C’était des grands observateurs et sensitifs, ce qui manque aujourd’hui à beaucoup de vignerons. Ressentir sa terre, l’accompagner, vinifier avec humilité et évoluer constamment avec son lieu, son vignoble, ses vins, c’est un devoir. Le tout c’est d’être conscient de cela. Jeter un regard sur le travail accompli par les anciens est une façon d’aller plus loin dans la compréhension et dans le vin.

 

Vindicateur‘Cosmoculture’ est désormais une marque déposée, notamment pour éviter toute récupération, elle deviendra collective dès lors qu’un cahier des charges aura été élaboré ; pouvez-vous nous donner une idée de ce que sera ce cahier des charges ?

 

Philippe Viret : Le cahier des charges insistera plus sur le côté énergétique, l’importance des lieux et ce que l’homme en fait. L’homme doit être acteur et évoluer avec les éléments : l’homme en tant que cinquième élément souvent oublié. Ce sera une orientation qualitative et humaniste, avec une approche santé sur le plan alimentaire. Les bases d’un cahier des charges sont en place au sein du domaine, ainsi que les prémices de son développement, mais cela ne pourra se faire qu’à travers un groupe d’échanges où chacun amènera son vécu et sa vision.

 

Sur le vin, l’œnologie sera proche des vins natures, car le vin en est issu et au moins on intervient œnologiquement, au plus on le respecte, au mieux il se porte et au plus il nous apporte d’émotion. En ce qui concerne le vin nature, je le préfère pur, vivant et sans déviation œnologique grave. Les sulfites bien évidemment seront au cœur des débats avec une orientation très homéopathique des doses, voir l’annulation totale, ce qui est le cas pour la plupart des vins du domaine : quand les conditions le permettent, que le travail en amont est réfléchi et que la terre, le raisin et le vin sont vivants, on peut y arriver sans problème. On peut s’interroger sur beaucoup de choses mais, nous, on n’a pas peur de dire que le vin a un potentiel vibratoire ou de vitalité, exactement comme un corps humain. On est dans le monde de la vie et non de la mort ou du tout stérile.

 

VindicateurEtes-vous en contact avec d’autres domaines intéressés par la Cosmoculture ?

 

Philippe Viret : Nous sommes beaucoup visités, souvent plus par des vignerons étrangers ou hors régions. On sent que l’on est dans une période où beaucoup de vignerons cherchent leur voie, d’autres veulent aller encore plus loin dans les modes bio/biodynamiques. La seule chose que l’on n’aime pas ce sont les opportunistes en manque d’inspiration, car le copier-coller cela n’existe pas dans le monde de la nature.

 

 

VindicateurVous concevez notamment des vins élevés en amphores d’argile (dolias) comme le faisaient jadis les Romains ; quelles sont leurs qualités particulières tant à l’élevage qu’à la dégustation ?

 

Philippe Viret : J’ai un dossier complet sur le site, mais ce que je peux dire c’est que l’argile est un matériau très intéressant car elle a une capacité d’échange bien supérieure à une barrique, cela peut être dangereux pour certains vins sensibles à l’oxydation, chez nous les vins sont très réducteurs et cela nous ouvre le fruit, et apporte une qualité de tanins et une sensation en bouche très tactile. Ce sont des vins très digestes et agréables à boire.

 

L’amphore c’est comme les vinifications sans soufre, c’est une démarche qui demande de la compréhension et du temps dans la mise en place. Au domaine Viret on a fait des essais en 2005 avec quatre amphores en provenance d’Espagne, et on a évolué avec une amphore étudiée au nombre d’or et dédiée au vin, qui est fabriquée par Alain Berthéas, un artisan potier de ma région avec lequel on collabore afin de faire évoluer de façon qualitative le contenant et les vins en amphore. Le vin en amphore, ce n’est surtout pas de mettre du vin dans un pot de fleur, la qualité de l’argile, sa traçabilité, le savoir-faire du potier sont primordiaux pour le futur vin ; c’est comme le chêne pour les barriques : son origine, sa provenance, le savoir-faire du tonnelier garantissent souvent le résultat final. Chez nous le bois on préfère le laisser aux forêts (nous ne sommes pas une région historiquement portée sur l’élevage en barrique), donc on s’oriente sur l’argile et pensons construire un chai d’élevage en amphores.

 

 

VindicateurAvec le recul, comment diriez-vous que se comportent les vins conçus en Cosmoculture après 5 ou 10 ans de vieillissement ?

 

Philippe Viret : Ce n’est pas à moi de le dire, mais ce qui ressort c’est une identité forte, une évolution tertiaire très noble et intéressante, un long potentiel de garde sur les grandes cuvées, des vins en équilibre et vivants. Ce sont des vins que l’on boit facilement, qui ne perturbent pas l’organisme (maux de tête, brûlures gastriques, etc.) et qui ouvrent les champs émotionnels. Par contre, il est important de comprendre les notions de services et d’oxydo-réduction pour déguster dans les meilleures conditions. En phase de jeunesse ils peuvent être fermés et réducteurs noble : c’est pour raison que l’on demande parfois de carafer nos vins ; en phase d’évolution on s’oriente sur des carafages plus subtils.

 

 

VindicateurQu’entendez-vous par vins  »qui ouvrent les champs émotionnels » ?

 

Philippe Viret : Ce sont les vins qui ouvrent l’esprit et apportent un sentiment de plaisir et de bien-être.

 

 

 

Propos recueillis par Antonin Iommi-Amunategui

© Vindicateur, 03/2010

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