Mathieu Lapierre, fils de Morgon

Publié le : 13 octobre 20176 mins de lecture

Mathieu Lapierre a sûrement du  »Morgon dans les veines » : fils de Marcel Lapierre, grand vigneron récemment disparu, Mathieu trace son sillon sereinement, avec déjà une bonne dose d’expérience, et une envie intacte. Croisé à Paris, au terme de la dégustation de l’Association des Vins Naturels, il a répondu à nos questions… sourire aux lèvres et une bouteille de Morgon 2009 dans la poche de son caban !

VindicateurVous avez 28 ans, est-ce que l’héritage de votre père Marcel n’est pas un peu lourd à porter ?

 

Mathieu Lapierre : Non au contraire, c’est plutôt une fierté. De plus il reste tellement de choses à découvrir. Certes, la voie a été tracée par le travail de Marcel mais nous ne sommes encore qu’a une compréhension partielle des possibilités qu’offre cette philosophie des vins nature.

 

 

VindicateurVous appeliez votre père par son prénom ?

 

Mathieu Lapierre : J’appelais toujours mon père Marcel, et j’appelle ma mère Marie. C’est leur nom, non ?

 

 

VindicateurAvez-vous le sentiment que Marcel vous a transmis l’essentiel ?

 

Mathieu Lapierre : Oui, l’essentiel c’est la passion et il me l’a transmise. Pour le reste, il n’y a pas de secret : depuis quatre générations que nous vinifions dans la famille, nous le faisons en prenant des notes, des cahiers consciencieusement tenus, traçant l’évolution de chaque cuvée, de chaque action sur ces cuvées, et de leur résultat… Aujourd’hui je dispose de 100 ans d’expérience attendant sagement dans une bibliothèque d’être consultée – ce que nous faisions souvent avec Marcel – et je poursuis ce travail, en rédigeant moi-même ces cahiers depuis 2005. Bien sûr, il faut aussi une transmission pratique, par le travail, et j’ai eu la chance de partager une petite dizaine de millésimes avec Marcel, et quelques-uns avec d’autres.

 

VindicateurVous placez-vous dans la lignée de votre père, strictement, ou avez-vous des projets plus personnels ?

 

Mathieu Lapierre : La politique du domaine est simple : faire du Morgon et du bon, se donner les moyens de faire de la  »haute couture », et je ne souhaite pas me disperser, c’est déjà très intense.

 

VindicateurVous vinifiez votre Morgon en plusieurs versions. Pourquoi ?

 

Mathieu Lapierre : Il n’existe plus que deux versions depuis 2006 : sulfitée et non sulfitée, aucune n’est filtrée. Pourquoi ? C’est simple, je préfère faire du nature mais tout le monde ne peut pas le garder (stockage obligatoire en cave à moins de 14°), alors je fais aussi la version sulfitée pour eux. Ce serait dommage d’être trop puriste.

 

VindicateurLe  »bio » pour vous, c’est quoi ? Et dans l’hypothèse d’une nouvelle législation, quels changements souhaiteriez-vous ?

 

Mathieu Lapierre : le bio (je suis certifié par Ecocert) n’est qu’un outil qui me permet d’obtenir des raisins sains, qui me permettent à leur tour de faire des vinifications sans intrants. Ne pas polluer est important mais il ne s’agit pas d’une fin en soi ; il y a d’autres raisons, très concrètes, de choisir le bio.

 

En effet si j’utilisais des antifongiques, la population de levures de mes vignes serait mise a mal et je devrais rajouter des levures sèches actives, présélectionnées par des laboratoires pour leur propriétés physiques ou aromatiques (par exemple la 71 B qui donne le goût de banane…).

 

Autre exemple : le labour et l’absence d’engrais, tout en favorisant la vie des sols et leur aération, permet un enracinement profond, qui garantit une bonne solidité de la plante face aux maladies et aux intempéries, laisse s’exprimer le terroir, et permet une bonne maturité.

 

A l’inverse du désherbage et de l’apport d’amendements, qui laissent la vigne développer uniquement des racines superficielles : la plante est fragilisée et la terre ne devient qu’un support matériel pouvant être remplacé par un autre…

 

 

VindicateurVotre domaine est membre de l’Association des Vins Naturels, pourquoi ? S’agit-il d’ailleurs d’un club plutôt fermé ou d’une structure assez souple ? Comment définiriez-vous ce groupement ?

 

Mathieu Lapierre : L’AVN c’est une bande de très grands professionnels tous plus passionnées les uns que les autres. Je les adore. Les salons de l’AVN sont les forums publics où ces passionnées rencontrent les consommateurs.

 

VindicateurComment se profilent vos 2010 ?

 

Mathieu Lapierre : Pour l’instant, je suis très content. Mais attendons le printemps pour juger sur pièce… Venez jugez par vous-même.

 

VindicateurQuels vins et domaines aimez-vous particulièrement en-dehors des vôtres ?

 

Mathieu Lapierre : Liste non exhaustive, de jeunes car les anciens on les connaît : Jérôme Lenoir a Chinon, Charly Thevenet a Regnié, le Clos Ouvert de Louis-Antoine Luyt au Chili dans la région du Maule, Arianna Occhipinti en Sicile, Olivier Lemasson a Cour Cheverny… et bien d’autres.

 

 

VindicateurEn-dehors du vin, qu’aimez-vous faire ? Est-ce que vous avez des passions totalement déconnectées du monde du vin ?

 

Mathieu Lapierre : Je suis musicien amateur. Je joue du piano, de la guitare et différentes percussions dans une batucada [groupe de musiciens pratiquant des percussions traditionnelles du Brésil – NdlR.]. Ancien cuisinier, je suis dingue de bouffe, la grande bouffe hein. C’est vrai que ca reste connecté au vin mais je n’y peux rien !

 

 

Propos recueillis par Antonin Iommi-Amunategui

Crédit photo : Misenka

Crédit citation : Du Morgon dans les veines

©Vindicateur, 12/2010

À lire en complément : Marcel Richaud fait du deltaplane

À explorer aussi : C'est la Luyt finale !

Plan du site