La Dive sur le divan

Publié le : 13 octobre 20177 mins de lecture

« La Dive » c’est le troglodyte glou ! Un salon underground qui réunit plus d’une centaine d’artisans-vignerons dans les souterrains du Château de Brézé (à 10km de Saumur). La 13ème édition, déjà, se déroule les 29 et 30 janvier prochains. Et depuis la 3ème édition, c’est Sylvie Augereau qui est aux manettes… Mais pourquoi a-t-elle choisi d’aller enfouir vignerons et amateurs dans ces lointains souterrains perdus ? Entretien.

Vindicateur – Qui es-tu, Sylvie ? Que fabriques-tu dans la vie quand tu n’organises pas d’immenses salons souterrains ?

 

Sylvie Augereau : Conseillère municipale, militante, bénévole, enragée des injustices mais vite apaisée par une belle bouteille ou une glissade en bateau sur la Loire… Quand je ne salonne pas, j’écris. Des livres sur le vin, de plus petites pages ou même des phrases : Nul n’est censé ignorer la Loire… Ou bien je taille, j’ébourgeonne, je pioche, je vendange, j’entonne, j’étiquette, je cire, je bois, j’échange, j’écoute, je me nourris de ce qui m’entoure. J’ai même fait du vin. Du pas si mal…

 

 

Vindicateur – Quelle idée d’aller enterrer tous ces vignerons dans les souterrains troglodytes du Château de Brézé ? C’est un squat ? C’est qu’il faut les mériter, se taper tout le chemin jusqu’au paradis underground ? Ils ne te détestent pas trop après 2 jours à se les geler ?

 

Sylvie Augereau : Non, la plupart m’en sont même plutôt reconnaissants. C’est un retour aux sources après un bref passage sur les moquettes de Deauville. Mais surtout Brézé, c’est un lieu de vin. Dessus, un terroir mythique : on échangeait une barrique de Brézé pour une d’Yquem après guerre. Dessous, des galeries incroyables qui ont vinifié des siècles de chenin. Tout autour, la craie dont le raisin se nourrit. Et ces troglodytes, c’est notre patrimoine. Unique. Un outil de vinification à température constante que nous envie le monde entier. Un souterrain où le temps s’est arrêté. Celui qui n’a pas fait de  »descente de cave » en Loire n’a rien goûté. Mais surtout, ce terrain de jeu permet une connivence avec les vignerons qu’on ne retrouve pas dans les grands halls bruyants où ils sont parqués par centaine. Quant aux températures, après nous être fait échaudés la première année, nous y avons remédié et promettons une année 2000-douce.

 

 

Vindicateur – 13ème  »Dive », déjà. Qui l’organise depuis tout ce temps ?

 

Sylvie Augereau : C’est Catherine Breton qui est à l’initiative de la Dive. Les deux premières années, elle en a fait un rendez-vous convivial, près de Bourgueil, dans la cave de la Dive Bouteille qui lui a donné son nom. Puis, lassée, elle m’a proposé de prendre le relai. Je n’avais assisté qu’au dîner. J’ai acquiescé sans trop y penser et j’en ai fait un truc à ma sauce. Je voulais aussi que cette rencontre ait un sens. Nous avons milité, monté des associations, convoqué de grandes instances… Une année, j’ai même demandé aux vignerons de se déguiser. Je voulais casser l’image du vigneron  »ayatollah » qui collait à ces gens-là. Guy Bossard en Dalida, Thierry Puzelat en Casimir, Eric Pfifferling en coccinelle qui agite les antennes en présentant son premier millésime, ce sont de grands souvenirs… Quoiqu’il arrive, ne jamais se prendre au sérieux.

 

 

Vindicateur – Des nouveaux cette année, des découvertes qui valent qu’on aille frissonner sous terre ?

 

Sylvie Augereau : Il y a, comme chaque année, un ou deux petits nouveaux par région (et bien plus en Loire, ça coule de source). C’est une règle : les plus connus partagent leurs clients avec les jeunes recrues. Et j’ai tenu cette année à ouvrir un peu plus à l’étranger. Cyrille Bongiraud vient de Serbie. John Wurdeman fait le voyage, épique, de Géorgie. J’ai aussi privilégié l’Italie, qui bouillonne ces temps-ci : il faudra goûter les incredibile blancs de Paolo Vodopivec et de Dario Princic. Et de jeunes Espagnols pas encore importés en France…

 

 

Vindicateur – Tu as récemment soutenu Olivier Cousin, qui sera présent à  »La Dive », as-tu des nouvelles de son affaire ?

 

Sylvie Augereau : Le dossier est entre les mains du procureur, bien gonflé par les centaines de signatures et les nombreuses coupures de presse. Notre ami  »grand avocat » bénévole est plutôt confiant. Et Olivier a le sourire, bien requinqué par tous ces témoignages ! Merci à tous ceux qui y ont contribué.

 

 

Vindicateur – Pour conclure, un mot sur le vin en France, il te semble aller dans la bonne direction ?

 

Sylvie Augereau : Dans l’ensemble, on avance. De plus en plus de vignerons impliqués dans des modes de vinifications naturelles. De plus en plus de clients pour les boire. De plus en plus de médias ouverts à cette optique. De plus en plus de terres en agriculture biologique.

 

Mais une législation sur les vins bio qui va bientôt intégrer des processus industriels… C’était probablement inévitable mais on oublie l’essentiel : si les vins français continuent à se vendre et à progresser en valeur à l’étranger, c’est grâce à l’image du vin artisanal. La France est le seul pays à pouvoir le revendiquer et on la boit pour ça. Mais dans les chiffres, les petites exploitations disparaissent au profit des grandes. Dans la législation, on va aussi dans ce sens.

 

Pire, la réforme des AOC censée redorer le blason français s’acharne à le torpiller en revendiquant des pratiques obsolètes et honteuses (copeaux, levures aromatiques…). Mieux encore, les syndicats concernés persécutent les vignerons  »hors normes » jusqu’à les exclure du système.

 

Une reconnaissance, officielle, de pratiques culturales et vinicoles respectueuses manque cruellement à notre paysage. René Renou avait imaginé les AOC d’Excellence. Le mot était probablement maladroit, mais ceux qui auraient pu le revendiquer sont désormais de plus en plus marginalisés.

 

 

La Dive, les 29-30 janvier 2012, au Château de Brézé (49). A noter également, parmi tout un tas d’autres salons à ne pas manquer en ce début d’année, deux petits poucets : Le Printemps des vignerons à Cabrières (34) les 17 et 18 mars qui réunira une quinzaine d’excellents domaines, et le salon la Biojolaise (réservé aux pros) le 26 mars (lieu non défini à ce jour).

 

 

Propos recueillis par Antonin Iommi-Amunategui

Photo : Sylvie Augereau

©Vindicateur, 01/2011

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