Millésime-fiction : 2013, la fin de Bordeaux (épisode III)

Publié le : 14 août 20205 mins de lecture

Précédemment dans Millésime-fiction… Juin 2013. Les grands Bordeaux sont tranquillement en train d’abattre leurs prix en primeur, pharaoniques, quand un manga coréen vient brusquement jeter un pavé dans le moût.  »Le Pif de Dieu », qui vante les vins de traverse, les sans-grades, rencontre un succès planétaire, instantané, et semble bien faire vaciller les fantastiques chais bordelais sur leurs fondations… Obligeant le tout-Bordeaux à se bouger le cul sévère !

Les milliardaires prennent le maquis

 

Le 21 juin 2013, depuis Vinexpo qui connaît une chute brutale de fréquentation, le maire de Bordeaux, Bernard Magrez, prend publiquement la parole. Une seule chaîne de télévision, BFMTV, décide de retransmettre live l’intervention du maire exsangue ; ce sous l’impulsion décisive du blogueur Guillaume Nicolas-Brion (par ailleurs journaliste sur la chaîne) qui flaire le bon coup.

 

Solennel comme le pape Clément VII, Bernard Magrez annonce que l’UGCB, le CIVB et l’ensemble des instances représentatives des grands vins de Bordeaux ont bien reçu le message – et sont dissoutes sur-le-champ. Que la folie des années 2010 est révolue, ya basta ! Que Bordeaux va retrouver sa dignité d’antan, foi de compositeur de crus…  »Le moment est grave, un comble pour mes Pessac », hasarde le vieil homme, pâle comme un poulet malgré la poudre orange dont les hôtesses de Vinexpo l’ont tartiné. Mais les quelques Chinois encore présents se mettent à huer le malheureux maire qui doit quitter précipitamment l’estrade, les verres INAO commençant à voler.

 

Simultanément, depuis Paris, le grand dégustateur classé François Audouze multiplie les interventions sur le célèbre forum d’amateurs de vin où il sévit régulièrement. Ne tentant rien moins que d’amorcer un mouvement de soutien national. Au final, les promesses d’achat de son Bordothon s’élèvent à 2 037 caisses (dont 2 000 de sa propre poche). Le site 1855 promet de les livrer en temps et en heure. Son PDG n’hésitant pas à jurer-cracher, littéralement, dans une vidéo aussitôt publiée sur YouTube.

 

Sur le front bordelais, plusieurs archi-grands crus supplient Fabrice Le Glatin de leur consacrer une ou deux de ses fameuses dégustations à emporter, les TupperWine. En vain ! Le blogueur ayant rejoint, avec Emmanuel Delmas et quelques autres, le DAF, pour  »Dogma Anti-Fûts » : un groupuscule d’activistes refusant par principe toute espèce de vin ayant été élevé plus de 66,6 jours dans du bois neuf.

 

Pétrus, le roi du pétrole à Pomerol, tente un coup à la hussarde, interpelant directement Jacques Berthomeau dans un spot publicitaire diffusé en boucle sur Edonys (la chaîne câblée, interdite en France, émet depuis un blockhaus en Suisse). Mais le chroniqueur iconoclaste reste parfaitement injoignable… L’homme est en pleine tournée mondiale pour son premier roman, best-seller depuis sept semaines et demie selon le New York Times, et joyeusement intitulé :  »Les femmes n’ont jamais le goût de bouchon ».

 

Etonnamment, c’est Nicolas de Rouyn qui en signe la préface. Certaines rumeurs, Mixbeat en tête, évoquant une nuit longue de plusieurs jours, passée ensemble à Castelmaure en compagnie de quelques admiratrices, et qui les aurait rapprochés à tout jamais.

 

Rive gauche, le Château Pichon Longueville Comtesse de Lalande propose tout de go à Anne-Victoire Monrozier de rebaptiser son grand vin Pichon Longueville Miss Vicky Wine…

 

Hélas, en dépit de cette frénésie de fourmilière, de ces tentatives désespérées, de cette rage de vivre cannelée, rien n’y fait : le grand fût bordelais semble irrémédiablement bouffé aux termites… On le savait depuis longtemps, que le Bordeaux fait pisser et le Bourgogne bander, commente quelques jours plus tard, en plein JT de TF1, Aubert de Villaine himself. La ménagère de moins de 50 ans zappe immédiatement, mais n’en oublie pas moins la terrible sentence…

 

 

Très prochainement, sur Vindicateur, retrouvez l’épisode IV de cette grande saga estivale : Les grands crus en tartare. Relisez également les épisodes I et II de la saga : Il y a du Bordeaux dans le gaz

 

 

Fabulé par Antonin Iommi-Amunategui

Photo : Blood Into Wine

©Vindicateur, 07/2011

À lire en complément : Millésime-fiction : 2013, la fin de Bordeaux (épisode IV)

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