Vins bios vs. Vins bioniques

Publié le : 13 octobre 20176 mins de lecture

Il y a les vrais vins bios, les faux vins bios, et il y a tous les vins issus de l’agriculture plus ou moins conventionnelle. Comment s’y retrouver ? Petit état des lieux, des lois et des combats.

Les vins bios le sont-ils vraiment ?

 

Ces vins sont produits à partir de raisins issus de l’agriculture biologique. Mais cela ne garantit pas que le vin soit intégralement bio. En effet, un vin peut être produit à partir d’une culture biologique des raisins et être passé, ensuite, par tous les traitements de la vinification conventionnelle.

 

Aujourd’hui la loi permet donc de tricher, autrement dit de faire des raisins bios puis de vinifier de façon conventionnelle (exemple : chauffer les cuves de sorte à éliminer les levures et bactéries naturellement présentes dans le moût, puis les remplacer par des levures artificielles). Le vin ainsi retouché est-il encore bio ? Non.

 

Il y a là, vis-à-vis du consommateur, une forme de tromperie sur la marchandise. Les labels certifiés ne donnant qu’une seule indication : le raisin dont est fait est le vin n’a pas subi de traitements chimiques. Le terme  »bio », associé ensuite au vin dans son intégralité, risque donc d’être mensonger. Bien sûr, de nombreux domaines pratiquent une agriculture bio de bout en bout, et font de vrais vins bios – mais comment les distinguer de ceux qui tricotent à la cuve ?

 

 

Les vins bios sont-ils meilleurs pour la santé ?

 

Une étude récente (PAN EuropeMDRGF, mars 2008) a démontré suite à l’étude de 40 vins (34 issus de l’agriculture conventionnelle, 6 de l’agriculture bio) que les résidus de pesticides étaient absents des vins bios alors qu’ils infestaient les vins conventionnels :

 

 »100 % des vins conventionnels testés contaminés. Chaque échantillon testé contient en moyenne plus de 4 résidus de pesticides différents : les plus contaminés d’entre eux contenant jusque 10 pesticides. »

 

L’étude a notamment identifié 15 pesticides différents :  »Ces 15 pesticides comprennent sept fongicides synthétiques liés à des dangers spécifiques pour la santé humaine. »

 

 »Les vins biologiques analysés ne renferment pas de résidus de pesticides à l’exception d’un échantillon de Bourgogne dans lequel on a trouvé des quantités faibles d’un produit. Cette présence est expliquée par les dérives des pulvérisations en provenance des parcelles voisines. »

 

Les vins bios, y compris ceux retouchés en cuves, sont-ils meilleurs pour la santé que les vins issus de l’agriculture conventionnelle ? Oui, car a priori on n’ajoute pas de pesticides en cuve.

 

En somme, même s’ils ne sont pas tous strictement bios, les vins conçus à partir de raisins issus de l’agriculture biologique restent, systématiquement, plus sains : il vaut mieux boire un vin maquillé en cuve sans pesticides, qu’un vin maquillé en cuve avec pesticides ! C’est moins pire, dirait un enfant de 6 ans.

 

Frédéric Mugnier, grand viticulteur qui travaille sans désherbants ni insecticides mais ne le revendique pas via un label, lance un petit bémol dans la mare :  »Le cuivre est le principal moyen de lutte bio et biodynamique contre le plus grave danger menaçant nos vignes : le mildiou. Mais on sait que le cuivre s’accumule irréversiblement dans les sols jusqu’à atteindre des concentrations toxiques pour la microfaune. Le cuivre est-il moins nocif que les produits chimiques de synthèse ? Je n’en suis pas sûr. »

 

 

Ici, il faut préciser que le cahier des charges de Demeter (label biodynamique) limite déjà l’emploi du cuivre, à hauteur de 3 kg / ha / an maximum. Biodyvin, autre label, indique via son syndicat que le cuivre doit être employé de manière  »exceptionnelle » et nous rappelle que les limitations sont explicitement chiffrées  »à 6 kg pour une période de 3 ans ». Parallèlement l’AFSAA a conclu qu’un emploi du cuivre inférieur à 4 kg / ha / an présentait un  »risque acceptable » pour les êtres vivants sur la zone.

 

 

Les vins bios sont-ils meilleurs tout court ?

 

Il n’est pas anodin qu’un nombre significatif de domaines travaillant, de fait, en agriculture biologique se retrouvent systématiquement dans le peloton de tête des vins les mieux notés par les critiques.

 

Une chose est sûre : ces domaines de l’excellence bio (et biodynamique) ne traficotent pas leurs vins en cuves. Et s’ils travaillent en bio de A à Z, c’est précisément parce qu’ils estiment (et les critiques leur donnent raison) que c’est ainsi qu’on fait les meilleurs vins.

 

Cela dit, une nouvelle législation paraît nécessaire, qui imposerait un cahier des charges bio strict et précis, y compris lors des étapes de vinification (ainsi que le demandent notamment les Vignerons Indépendants de France qui comptent 7000 adhérents sur les quelque 27000 vignerons de France). Le simple fait qu’il existe des vins exceptionnels issus à 100 % de l’agriculture biologique, de la vigne à la bouteille, suffit à justifier que la loi encadre rigoureusement ce processus : les maquillages permis lors de la vinification n’ont aucune (bonne) raison d’être. Et cette loi hypothétique devrait peut-être également statuer davantage sur l’utilisation du cuivre : en la limitant très précisément, sur la base de recherches scientifiques indépendantes, afin de garantir l’absence d’impact sur les sols, et ce sans que subsiste l’ombre d’un doute.

 

Quant à ces grands domaines qui travaillent en agriculture bio mais n’ont pas jugé nécessaire de faire la demande d’une certification (ils sont au top et se moquent d’avoir un label), ils devraient être les premiers à pousser le législateur à renforcer le cahier des charges bio – pour redorer ce blason mis à mal par certains profiteurs de tendances, et éviter surtout qu’une loi puisse être contournée parce qu’incomplète.

 

 

Antonin Iommi-Amunategui

© Vindicateur, 11/2009

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