Pourquoi Jean-Pierre Frick a participé à l’arrachage des vignes OGM de Colmar

Publié le : 18 septembre 20175 mins de lecture

Jean-Pierre Frick, du Domaine Pierre Frick (en biodynamie, à Pfaffenheim), est l’un des deux seuls vignerons à avoir personnellement participé, le 15 août dernier à Colmar, au  »fauchage volontaire » des vignes transgéniques de l’Institut national de recherche agronomique (INRA). Tous les faucheurs, une soixantaine de personnes, ont été entendus par la police dans la matinée qui a suivi les faits : ils seront cités à comparaître prochainement. En attendant, Jean-Pierre Frick nous a expliqué son geste.

VindicateurPourquoi avez-vous participé à l’arrachage des essais de vignes OGM de Colmar le 15 août dernier ?

 

Jean-Pierre Frick : Ma participation à la neutralisation des essais de Colmar est le prolongement de nombreuses années d’information sur les méfaits des PGM (Plantes Génétiquement Modifiées) via la Foire éco-biologique de Rouffach.

 

Le but des faucheurs volontaires est de dénoncer : la marchandisation du vivant ; la disparition de la paysannerie partout où les PGM sont utilisées ; l’utilisation des pesticides liée aux PGM ; la contamination des plantes sauvages par les PGM.

 

L’agriculture et la viticulture biologiques sont incompatibles avec les PGM. L’essai Vignes OGM en plein champ était davantage un test sociologique, pour voir jusqu’où une profession et une population acceptent des essais qui visent à cautionner les PGM. Les Français et les Européens sont très majoritairement contre les OGM.

 

 

VindicateurL’INRA entendait mener ces essais pour lutter contre le court-noué, une maladie de la vigne répandue ; cet axe de recherche ne vous semble-t-il pas légitime ?

 

Jean-Pierre Frick : L’INRA est déjà arrivé à la conclusion que la transgénèse ne résout pas le problème de la maladie du court-noué. Le court-noué limite le rendement et augmente la qualité. C’est un mensonge de dire que 60% du vignoble est menacé par cette maladie. L’Europe finance l’arrachage définitif de 400.000 hectares de vignes parce qu’il y a une surproduction chronique de vin.

 

 

VindicateurQuelles sont, pour vous, les conséquences de cette action ?

 

Jean-Pierre Frick : La neutralisation des 70 pieds de vigne à l’INRA de Colmar est un acte de désobéissance civile, qui est une expression légitime quand des puissants imposent à la population une chose qu’elle a majoritairement désavouée. Les juges feront leur travail en âme et conscience, et le procès permettra de mettre en évidence toutes les incohérences de ces essais, ainsi que les méfaits de la marchandisation du vivant, un bien commun de l’humanité.

 

 

En contrepoint, nous citons le communiqué – OGM : faucher ou comprendre – dans lequel la PDG de l’Inra, Marion Guillou, a réagi et notamment identifié deux  »risques réels » liés à cette action de fauchage :

 

 »Le premier risque généré par cette destruction est de voir la France incapable de produire des données scientifiques à confronter à celles des grandes firmes internationales privées, au moment de la demande de commercialisation de leurs OGM en Europe, privant les pouvoirs publics et la société d’éléments sur lesquels s’appuyer pour prendre les décisions qui conviennent.

 

 »Le second risque, tout aussi important, est celui de voir la France incapable de développer des produits alternatifs à ceux de ces grandes firmes étrangères, mis au point pour des conditions agronomiques différentes. Or l’Inra pourrait travailler à leur élaboration au cas par cas, en accord avec les normes exigeantes de notre règlementation, en partenariat avec les professionnels concernés et en accord avec la société. »

 

Il est intéressant de relever que, dans ce dernier point, le cadre de la recherche est dépassé, et que Marion Guillou évoque le développement et l’élaboration d’OGM par l’Inra dans une optique proche de la compétitivité. Mais est-ce encore le rôle de l’Inra ? Est-ce que cela ne revient pas en effet à entériner le bien-fondé des OGM – dont la culture est, pour l’essentiel, encore interdite en France – et à aller donc plus vite en besogne que les politiques, et tout l’appareil législatif ?

 

 

Pour un point de vue complémentaire, on lira l’article de Laurent Cerqueu, caviste et blogueur affûté.

 

 

Pour découvrir les vins de Jean-Pierre Frick, rendez-vous sur le site du domaine, ou consultez notre sélection.

 

 

Propos recueillis par Antonin Iommi-Amunategui

Crédit photo : Télérama

©Vindicateur, 09/2010

À lire en complément : Les imbéciles goûtent-ils moins bien ?

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