Les vins africains meilleurs que les vins français ?

Publié le : 14 août 20205 mins de lecture

France, Paris. Inner-dégustation Vindicateur, session officielle du 16 décembre 2011. En mode semi-aveuglette tournante. Un jury d’élite, des flacons précis. A droite, Mouton Cadet, Bordeaux, 2009. A gauche, Sorga Africa, Vin de Table de la Brousse, 2010. Combat verre à verre, entre deux hémisphères ? Pas tout à fait, La Sorga, Anthony Tortul, c’est le Languedoc… Mais combat quand même, sans merci ! Yannick Noah va-t-il tondre le Mouton et s’en faire des dreadlocks, comme les vins chinois avant lui* ?

Au Triple A, répondons par un Quadruple B… comme Bordeaux

 

D’abord, replantons le décor. Mercredi dernier, l’info tombait, terrible : des vins chinois surclassent* des vins français, bordelais qui plus est, lors d’une dégustation à l’aveugle. Des vins français, certes poids plume, l’enjeu étant de comparer des vins relativement accessibles, mais tout de même !

 

L’honneur du coq étant atteint, plumé, Vindicateur (guide chauvin par excellent puisque concentré exclusivement sur les vins de France) décide de remettre le couvert, et de venger le plus connu des vins tombés au champ d’honneur chinois : MOUTON CADET 2009. Le mouton en question ayant pris une rouste versus la totalité des vins chinois en compétition…

 

Face au Français, remis d’aplomb pour l’occasion, se présente un vin… africain ! SORGA AFRICA 2010.  »Le vin de la brousse », dixit l’étiquette. Attention les secousses ? OK, La Sorga, c’est le Languedoc, Anthony Tortul. Mais là, il a pris des papiers africains, le charter à l’envers. On se croirait au Cameroun. Alors ça fera l’affaire. France-Cameroun, Yannick contre Yannick, le mouton contre les dreadlocks ! La France doit relever la tête. Assez d’avoir été psychologiquement dégradé six fois, assez d’avoir été humilié par un terroir chinois (le mot ne doit même pas exister en mandarin). Il suffit ! Que le combat commence.

 

 

Le vin d’acra, c’est cracra ?

 

Mais quelles chances a donc ce vin nature, sans sulfites ajoutés, et issu d’un croisement de cépages étrange : cinsault et alicante (on dirait le nom d’un poisson, c’est pour faire des acras ?). Et puis visez un peu cette vilaine étiquette bariolée, vert-jaune-rouge, digne d’un paquet de tabac à rouler… Quelle chances a-t-il contre notre Bordeaux 2009, sur l’étiquette duquel flottent les mots éternels du Baron Philippe de Rothschild :  »Le vin, il naît, puis il vit, mais point ne meurt en l’homme il survit ». Aucune chance, bien sûr. Voulez-vous cesser de plaisanter !

 

On goûte donc, en semi-aveuglette tournante (un procédé protégé dont on ne révélera le secret qu’en 2030, lorsque les dégustations à l’aveugle classiques, grossières, auront toutes disparu). Le match est terrible parce que d’une objectivité parfaite, impeccable, pure, magique. On y est, on goûte… Bordeaux contre Yaoundé-in-Languedoc !

 

 

Big Brother du vin

 

Merde. Zut. Désolé. Le Baron Philippe (1902-1988), dont les mots ornent l’étiquette du Mouton Cadet, peut se retourner dans sa tombe… Tellement c’est nul, ce machin. MOUTON CADET 2009, dix euros (9.95 € précisément). Dix centimes de plaisir. A peine. On dirait bien que le défi, là, c’est d’avoir cherché à faire un vin-sans-âme-ni-longueur, et d’avoir réussi. Un machin vaguement chaleureux et caramélisé, qui disparaît à peine avalé. On a rien. Rien du tout.

 

Et Mouton Cadet, pourtant, c’est quoi ? Les raisins de 450 viticulteurs, fondus dans 12 millions de bouteilles, vendues dans 150 pays, le monde entier ! C’est pas compliqué,  »Mouton Cadet est la marque la plus diffusée dans le monde ». On vend ça, oui, si cher, partout, et tant de millions de fois… Mais putain, bravo les mecs ! Quel coup immense, quelle réussite imméritée ! C’est fantastique, un marketing de perlimpinpin pareil ! Sans oublier la version avec moumoute en simili-peau de mouton, à 15 €, pour les fêtes (véridique). Hyper respect, en termes de successful business… C’est beau comme un rêve américain sodomisé par Freddy Krueger.

 

A côté, le pseudo vin africain, le Yaoundé à boire, qui coûte même quelques euros de plus, dans les 13-14, il est ridicule. Attends, regarde. Déjà, il est bon. Avec du goût un peu fin dans la bouche, des arômes sincères, de la longueur. La bouteille, on la boit, on y prend du plaisir ; elle ne va pas à l’évier après un demi-verre, comme le Mouton. Et puis, le Sorga Africa, c’est un assemblage spécifique, même pas un truc qu’on refait à l’envi, chaque année, comme des jouets pourris dans une usine… chinoise ?

 

Mouton Cadet, t’as tout compris. Tu es le roi du pétrole ! Un peu comme les traders qui continuent de toucher leurs primes au milieu de la décadence globale. Respect, vieux… Au fait, Mouton Cadet a 80 ans cette année, et vous chante happy birthday dans la gueule. Joyeux anniversaire, vieux salopard.

 

Antonin Iommi-Amunategui

©Vindicateur, 12/2011

À lire en complément : Combien coûte le vin dans le monde ?

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