Le meilleur livre sur le vin est une BD

Publié le : 14 août 20204 mins de lecture

La bande-dessinée  »Les Ignorants » date déjà un peu. Initialement sortie à l’automne 2011, mais réimprimée en février 2012. Le bouquin marche bien et cela fait sens, s’agissant du meilleur livre jamais écrit sur le vin… Rien que ça ? C’est qu’il a un atout dans la manchette : l’alliance des textes et des dessins traduit, mieux que n’importe quelle plume isolée, cette sensibilité particulière, cousue à la vigne et au vin. Ce vivant silencieux ou bruissant. Et le livre illustre rigoureusement, dans un rendu sobre, cette réalité. Il retranscrit aussi les échanges entre un vigneron, Richard Leroy, et l’auteur de bandes-dessinées, Etienne Davodeau, qui signe l’ouvrage. L’un et l’autre s’initient à leur discipline respective, sans fioritures, franchement, comme deux potes doués. Les dialogues entre le vigneron, l’auteur ou les copains brillants croisés au fil des pages (qu’ils soient dessinateur, tel Emmanuel Guibert, ou vigneron, comme Jean-François Ganevat) sont savoureux, instructifs.  »Les Ignorants » ? Un manuel scolaire, en six fois plus captivant.

Hygiène de vigne

La taille, le choix des barriques, le bio, la biodynamie, le décavaillonnage, la critique, la mise en bouteilles, le soufre… Tout y passe. En mots clairs, francs, accessibles ; mais qui n’en restent pas moins des mots de vignerons. Des mots de savoir. Quand les professeurs sont les faiseurs, cela fait une nuance. De la taille d’un ou deux hectares.

Surtout, Leroy doit faire en sorte d’être compris par  »l’ignorant » en face de lui… avant d’endosser lui-même le rôle d’ignorant, sitôt que Davodeau lui fait lire Mauss ou Moebius, qu’il l’entraîne dans sa maison d’édition ou dans un salon de bande-dessinée. Le ping-pong sachant-ignorant fonctionne d’ailleurs très bien, et le match tout amical entre les deux hommes n’en est que plus agréable à suivre.

 »Livres vivants »

Entre autres péripéties, les mots d’un fameux auteur de BD croisé par les deux compères sont étonnants (surtout qu’on ne peut pas songer à Davodeau comme à un défenseur a priori des vins vivants, et le soupçonner d’avoir forcé un quelconque trait ; rappelons qu’à la base, il n’entrave à peu près rien au vin). Mais lisons les quelques bulles en question :

C’est la grande chance des livres vivants. Ceux qui occupent leur auteur autant après publication qu’avant. Ceux qui ne laissent pas intact. Certains jours, nos bouquins nous apparaissent comme des désastres. D’autres, non.

L’analogie aux vins vivants ou naturels est évidente, juste, amusante. Mais, attention, limiter l’ouvrage à cette question serait redoutable.  »Les Ignorants » dresse un tableau bien plus vaste, sur 268 pages, du vin bon et sincère. Du vin tel que tout amateur le souhaite sûrement, au-delà des tristes clans (réels ou fantasmés). Sans oublier son volet bande-dessinée, tout aussi digeste.

Rencontrer Leroy et Davodeau ?

Hasard heureux, via un billet publié ce jour même, Philippe Rapiteau indique que les deux auteurs-protagonistes seront présents au Chai Carlina (Saint-Jean de Monts) dans le cadre du REVEVIN, le jeudi 17 mai prochain, pour une dédicace-dégustation.  »Celle-ci pourrait d’ailleurs être quelque peu boostée par la présence éventuelle de certains vignerons apparus dans la déjà célèbre bande dessinée. » L’occasion de se faire dédicacer un chenin de Richard Leroy par Etienne Davodeau, et inversement le livre de celui-ci par celui-là.

 

Etienne Davodeau, Les Ignorants, Ed. Futuropolis, 268 pp., 25€ environ.

 

Antonin Iommi-Amunategui

©Vindicateur, 03/2012

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