Trop de papes et d’ayatollah dans le vin ?

Publié le : 20 novembre 20193 mins de lecture

Les mots  »pape » et  »ayatollah » ressurgissent tous les six jours et demi dans le petit monde du vin. Tel vigneron est le pape dans son appellation, tel autre acteur est un ayatollah (entendre un extrémiste borné) des vins bio, ou de la loi Evin… Mais que viennent faire ces religieux dans le vin ? Plus malin que le vilain débat sur la laïcité de l’UMP, le débat ayatollah-papal sur Vindicateur !

Déformation professionnelle ?

 

Les causeurs de vin passent leur temps à décrire des vins à l’aide de mots qui chantent ou qui gazouillent, le plus souvent très imagés ; des mots précis comme des abeilles. Du coup, n’importe quel mot est à leur portée, et ils ne craignent pas d’y aller fort, en célébrant tel  »pape », ou en dénonçant tel autre  »ayatollah ».

 

D’ailleurs, le causeur de vin cause souvent fort. Non pas qu’il soit systématiquement aviné, mais parce qu’il faut se faire entendre dans ce petit monde bondé. Il y a en effet presque autant de commentateurs que de bouteilles débouchées (c’est un peu comme dans le football, où les Français sont 60 millions de sélectionneurs).

 

 

Ayatollahiser le débat

 

La référence est limpide. Ayatollah. C’est l’un des titres les plus élevés dans le clergé musulman chiite (merci wikipedia), entendu ici au sens figuré, à savoir une incarnation de l’intransigeance extrême. Le tout bien saucé au vin. On a donc de l’extrémisme, de l’islam, du vin. Bien shaké… C’est le souk.

 

Le choix de ce terme, ayatollah, est en soi déjà plutôt maladroit ; mais son emploi hyper-récurrent frise carrément la stigmatisation. D’autant plus qu’en parallèle le mot  »pape » revient aussi, régulièrement, sur le tapis (pas celui de prière) mais d’une manière positive, louangeuse. On parlera du pape de telle appellation, du pape des vins comme-ci ou comme-ça. Le plus souvent pour célébrer une grande compétence, et tout le respect que ce  »pape » impose.

 

 

Il y a quelque chose de pourri en vinogolie

 

Alors, d’un côté le méchant ayatollah, de l’autre le bon pape ? Voilà qui est à peine caricaturé, franchement. Tout cela sonne bien franchouillard, à la limite du nauséabond, et donne envie de boire du vin halal, tiens…

 

Sommes-nous embourbés en plein éloge du politiquement correct ? Non, plutôt un éloge de la pertinence : parce que dégainer son ayatollah à la moindre occasion n’a rien de politiquement incorrect, rien de rebelle. C’est surtout l’aveu d’un argumentaire lisse comme une burqa.

 

Alors, commentateurs, renouvelez donc un peu vos comparaisons qui sentent l’andouillette, et ne contribuez pas à alimenter (même au petit niveau du mondovino) un  »débat » qui, dans l’ensemble, pue sérieusement du bec.

 

 

Antonin Iommi-Amunategui

©Vindicateur, 04/2011

À lire en complément : Génération(s) Trévallon

À explorer aussi : Jean-Paul Daumen, Châteauneuf et Vieille Julienne

Plan du site