Primeurs 2009 : entre banane, poker et finesse

Publié le : 14 août 20204 mins de lecture

Le jeudi 3 mars 2011, le négociant bordelais Millesima a convié quelques dizaines de privilégiés dans sa caverne d’Ali Baba (deux millions cinq cent mille bouteilles) pour y goûter une centaine de primeurs 2009 de Bordeaux. Soit 80 ou 90 vins rouges, réputés avant même d’exister… Impossible d’avoir piscine ce jour-là !

2009, l‘année de la banane ?

 

Des arômes de banane s’élevant de plusieurs primeurs 2009, en Saint-Estèphe ou en Pomerol notamment. Assez ironique, si on se souvient que ces arômes sont franchement non grata depuis que certains abus de levures ont été commis dans le Beaujolais, et ont fini par nuire à la réputation de toute cette région viticole… Là, il est question de vins à 100, voire 400 € la bouteille : Calon-Ségur ? Purée de banane flambée. La Conseillante ? Banane !

 

Derrière, oui, les vins sont bons (et même excellents en l’occurrence). Mais cette banane tout de même… A en croire Bernard Burtschy (accessoirement l’une des deux ou trois mémoires vivantes des vins de Bordeaux, capable de comparer 1959 à 1980 en passant par 1928) cette bananaïte aigüe serait due au collage récent des vins, et donc passagère. Inutile même de le relever. Oups.

 

 

Coups de poker

 

Plus sérieusement. Qu’en déduire sinon que goûter des primeurs n’est pas à la portée du premier venu (et à partir de quand n’est-on plus un premier venu, d’ailleurs ?). Au-delà, que l’appréciation d’un vin  »en primeur » est, d’où qu’elle vienne, à prendre avec des pincettes taille monseigneur.

 

Les avis de certains dégustateurs présents, et non des moindres, le montrent bien, pour qui se prononcer sur un primeur, c’est d’abord et surtout faire un pari. Parier sur l’avenir du vin, ses promesses. Pour cette dégustation, Pierre Guigui (Gault & Millau) aura par exemple parié, entre autres, sur Grand Corbin Despagne.

 

 

Vainqueurs par finesse

 

Alors que dire de ces vins goûtés rapidement, dans leur jeunesse instable, parfois assourdissante, ou parasitée par des interventions œnologiques récentes… Que peut-on faire, sinon aligner une série d’affinités brèves comme une étreinte rapide entre deux portes : Troplong-Mondot et son grand corps vraiment pas malade du tout, Giscours très beau de précision, Pavie-Macquin et sa rose minérale, Léoville-Poyferré entre fraicheur et profondeur, Canon-La-Gaffelière en forme de fraise fatale, Pape Clément très noble de texture, Domaine de Chevalier tout en finesse, Haut-Bailly haut en couleur, Calon-Ségur et sa netteté chatoyante, Clos Fourtet pour son grand fruit suave, Lascombes et sa tenue impeccable, Lagrange fin et précis, Lynch-Bages pour sa fraicheur, Malescot-Saint-Exupéry fin comme le petit prince…

 

Dans une gamme de prix nettement inférieure : Les Ormes de Pez, Sénéjac, Camensac ou Belle-Vue s’en tirent très bien. Certains enfin, attendus, se goûtaient moins bien ce jour-là. A noter qu’aucun premier grand cru n’était présenté. Mais c’était déjà franchement pas mal, Millesima !

 

 

Antonin Iommi-Amunategui

©Vindicateur, 03/2011

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