Combat de Corbières

Publié le : 14 août 20204 mins de lecture

Mieux qu’un combat de coqs, un combat de Corbières ! Cette grande appellation du Languedoc. Mais pas de n’importe quels Corbières : des  »nature ». Enfin, si l’un correspond bien à la définition généralement admise, rien-d’ôté-rien-d’ajouté, de ces vins qu’on qualifie également de  »vivants » ; l’autre met surtout en avant le fait de ne pas contenir de sulfites ajoutés. Pour le reste, on est un peu loin du compte. N’empêche, voici deux Corbières  »sans soufre » (ajouté, s’entend, le vin en contenant toujours un peu, naturellement). Sur ma gauche, culotte rouge-rose-fushia,  »L’Alternapif », des Sabots d’Hélène. Sur ma droite, culotte blanche brodée,  »Naturae », de Gérard Bertrand. Fight jusqu’à l’épuisement (des flacons).

Méthodologie du free fight

Pour un combat de ce calibre, on a recouvert les deux protagonistes d’un peignoir occultant, et avons convié une demi-douzaine de dégustateurs aux goûts variés, allant de l’incorrigible buveur de vin naturel à celui qui ne jure que par les appellations de Bordeaux. Un panel, ça s’appelle.

Ils ont chacun goûté les vins une première fois, immédiatement après l’ouverture des bouteilles. Puis une seconde fois, dans l’ordre inverse, environ une heure après l’ouverture. Chaque fois, ils ont évalué le vin dégusté. Impitoyable dégustation, en effet, dite du doublé-retourné. Enfin, les survivants ont regoûté les deux Corbières 24 heures après.

Quel Corbières  »nature » met sa pile à l’autre ?

Ici, il faut reprendre son sérieux un instant : le Corbières  »Naturae » 2011 n’est pas à proprement parler  »nature », dans la mesure où les raisins dont il est issu ne proviennent pas de l’agriculture biologique, mais de ce qu’il est convenu d’appeler l’agriculture raisonnée (sic). Un vin qui se revendique natur(a)el et qui oublie d’être bio ? Ne serait-ce pas là, en fait, le summum du marketing souterrain ? Avec un gaillard du gabarit de Gérard Bertand, grosse machine languedocienne, plutôt très doué en la matière, rien n’est innocent. L’Alternapif 2010 est, quant à lui, nature jusqu’au bout (du pif). C’est Alban Michel qui est aux manettes, sur son domaine de 4,5 hectares. Véritable anar du pinard, mais rien d’un rigolo quand il s’agit de faire du vin.

N’importe. On goûte les deux gaillards également, ce n’est pas le bio qui fait le bon dans la bouche, et rien n’est vert à l’aveugle. A noter que le millésime 2011 de  »l’Alternapif » n’étant pas encore en bouteilles au moment de cette dégustation, c’est le 2010 qui affronte le  »Naturae » 2011. Mais il paraît que pour les vins  »sans soufre », l’âge n’est pas forcément un avantage ? Plus sérieusement, c’est un détail. Fight.

 

  • Round 1 (5 min après ouverture)

L’Alternapif punche bien d’emblée, efficace sur sa fraicheur, immédiatement croquant. Pas très musclé, mais souple, habile.

Le Naturae déballe un nez un peu poussif. Etrangement artificiel, médiocre. En bouche, un dégustateur commente  »celui-ci n’a pas de longueur ». Il n’en a aucune, effectivement.

 

  • Round 2 (1 heure après ouverture)

Le Naturae continue de jouer sa partition faiblarde, sur une vague sucrosité. La longueur reste inexistante.

L’Alternapif mise tout sur son croquant, joyeux ; ce n’est pas le meilleur millésime sur cette cuvée, mais elle s’en sort franchement pas mal.

 

  • Round 3 (24 heures plus tard)

L’Alternapif est épanoui, à son optimum sur cette fraicheur explosive. On perçoit encore une base de mûre, et toujours ce croquant. C’est bon.

Le Naturae, après 24 heures d’ouverture, semble n’avoir pas bougé. Aucune évolution. Un peu comme les frites de McDo dans le film  »Super Size Me ».

Fin du combat, les juges délibèrent d’un seul regard. Il n’y a pas photo. Prix des combattants ? Une dizaine d’euros chaque. Et pour se renseigner un peu mieux sur le vainqueur, c’est là : Les Sabots d’Hélène.

 

Antonin Iommi-Amunategui

©Vindicateur, 04/2012

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