AOC 2.0 : pour une révolution du vin

Publié le : 13 octobre 20176 mins de lecture

Organiser une révolution intelligente du vin. Rebattre les cartes, les crus. Sérieusement remettre à plat certaines hiérarchies dictées pour partie par l’habitude, mais surtout par l’argent, par ce business du vin trop souvent toxique. Que le politique revoie profondément le système, en s’appuyant sur des expertises indépendantes et iconoclastes. Mettre à jour tout le système : c’est l’AOC 2.0… ou bienvenue à Gattac-AOC ?

Des bugs dans le vin

 

L’argent est aveuglant, il pique les yeux. Mais ceux qui organisent un système, quel qu’il soit, doivent se munir des meilleures lunettes. Opaques aux plaques. Aujourd’hui, les AOC, leur système, leurs réglementations, déconnent largement. Un lifting ne suffit pas, il faut les remettre à plat, les revoir de près comme de loin. Passer au crible d’une expertise, indépendante et panoptique, les quelque 357 appellations (AOC, AOP, comme on voudra) existantes en France, sans oublier les Vins de Pays (IGP) et les sans-grades (Vin de Table, Vin de France) pour enfin refonder leur organisation et leurs hiérarchies (c’est ainsi, on ne peut éviter les hiérarchies – car, à défaut d’être organisées, elles se créent spontanément, sauvagement ; la nature n’aime pas que le verre soit vide).

 

Oui, le vin est plein de bugs. Il a besoin d’une nouvelle version de son système d’exploitation, des appellations 2.0 suffisamment fiables pour être viables à long terme. Car ce n’est plus assez le cas aujourd’hui, et le règne des appellations de France est compté (musique stridente on).

 

 

Un foutoir déguisé en terroir

 

Il faut moins de vin en AOC (AOP) et plus de Vin de Pays (IGP) et de Vin de France (un intitulé récent qui peut bien faire office de marque, puisque la  »marque » France est encore vendeuse, paraît-il). L’appellation doit être un gage de qualité élevée et son obtention relativement rare par principe… L’assurance de quelque chose de solide dans le verre, du lourd ! Et pour ce faire, une sélection plus sévère, bien sûr, mais surtout un curseur légèrement déplacé pour juger de la qualité… En effet, qu’est-ce qu’un vin de qualité ?

 

Cette question, piège, appelle beaucoup d’autres questions. Florilège : combien de vignerons et domaines remarquables se voient aujourd’hui contraints (ou pire, font le choix) de ne plus arborer leur appellation de cœur, de terre, sur l’étiquette ? Combien de Vins de Table, de Vins de Pays, de Vins de France, sont meilleurs qu’une bonne partie des vins d’AOC du coin dont ils sont issus ? Combien de  »petites » appellations n’ont souvent rien à envier aux  »grandes » ? Il faut se garder de généraliser, mais le chaos est bien là. Et ce chaos, ce foutoir déguisé en terroir, est délibérément entretenu par les partisans du surtout-pas-bouger.

 

Cependant, la qualité  »objective » des appellations, pourtant réglementée, cahier-des-chargée, est devenue une farce, un comique de répétition qui lasse. En fait de typicité, c’est trop souvent le médiocre qui règne, le quelconque. Et qui sont les principaux dindons de cette farce, sinon les consommateurs. Le resteront-ils, l’accepteront-ils toujours ? Mais non, et le temps presse (triple couinement hitchcockien).

 

 

L’AOC est-elle devenue un produit toxique ?

 

A la manière des traders et des banquiers qui font les gros titres, certains fourguent leur camelote à tour de bras, vite, partout. De l’AOC facile, et après moi le déluge. Le business a ici pris le pas sur toute autre considération, reléguant la qualité des vins au neuvième plan, infernal. On fabrique et on vend, le plus cher et le plus vite possible, du buvable, du banal. Drink and forget. A quoi bon le vin dans ces conditions ? Circulez, y a rien à boire.

 

En définitive, qui tire le vin vers le haut, en France, et ralentit sa chute ? Qui, sinon la minorité des domaines qui travaillent bien et pensent qualité avant capital (sans pour autant oublier de vendre leur vin). Bien sûr, tout cela est d’une ironie assourdissante, car parmi eux se trouvent ces mêmes domaines qui, quelquefois, n’accèdent pas à l’appellation, se la voient refusée quand ils ne se font pas carrément convoquer au tribunal, comme Olivier Cousin, pour crime de lèse-AOC… Oui, ils sont hors des clous, exclus par les comités d’agrément, ou du fait de leurs propres choix qualitatifs ; en vérité, c’est souvent parce qu’ils font mieux.

 

Et pourtant les AOC en France ce n’est pas l’ONU, ce ne sont pas les mêmes enjeux ni la même complexité ; on doit pouvoir revoir profondément la copie, bouger les lignes, dézinguer le vieux puzzle, sans déclencher une guerre nucléaire façon Liliane Bettencourt…

 

Tenez, Hervé Lalau, Michel Smith et Jacques Berthomeau, chacun dans leur genre, feraient un trio d’anti-sages plus qu’honorable pour démarrer la constitution de ces grands collèges réformateurs. Des hommes libres pour un vin libre… Sinon on peut continuer de ne rien faire, s’en donner juste l’air, et aller droit dans le mur (parce qu’au grand jeu du business global, 2.0 lui aussi, la France est un tout petit pays). Et le mur, oui, ça c’est radical.

 

 

Antonin Iommi-Amunategui

©Vindicateur, 10/2011

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